Après avoir traversé au sud de la péninsule Olympique (chaîne de montagnes couvertes de forêt humide de l’extrême nord ouest des Etats-Unis continentaux) pour rejoindre la côte Pacifique depuis Seattle, nous traversons le fleuve Columbia pour arriver en Oregon, terre tant attendue ! En effet, depuis notre départ en Alaska, on ne croise que des gens nous chantant les louanges de la côte de l’Oregon. Et effectivement, c’est beau, la route 101 suit la mer le long de falaises qui tombent à pic dans l’océan. Mais nous sommes tombés au pire des moments de l’année pour la suivre en vélo.
Contrairement à ce que l’on pensait, nous avons le vent de face ! Surprise pour nous, alors que nous n’avions cessé d’entendre dans le monde des voyages à vélo, que la côte Ouest des Etats-Unis se descend du Nord au Sud car les vents poussent dans le dos. Oui bien sûr, au moment où la plupart des cyclistes passent par ici, c’est-à-dire au printemps et en été. Mais les vents changent de direction en hiver et soufflent depuis le sud vers le nord ! En grosse rafale en plus.
Parfois, le vent est tellement violent que je dois descendre et pousser mon vélo pour ne pas faire d’écart sur la route 101, escarpée, avec peu de place et pas mal de trafic. Mais lorsque le vent baisse c’est la pluie qui apparaît ! Ou l’inverse ! Donc, on se dit que cela pourrait être encore pire, on a juste une grosse pluie continue qui tombe à la vertical. On aurait pu avoir le terrible mix pluie/vent de face.
Les temps sont durs. On est obligé de renouer avec le site warmshower (l’équivalent de coach surfing pour les cyclistes) et trouver des gens pour nous héberger, passer la nuit au chaud et surtout, faire sécher les affaires, la tente, les duvets, les matelats, etc. qui, s’ils ne prennent pas l’eau, n’en restent pas moins chargés d’humidité.
C’est l’occasion de rencontrer des gens formidables à nouveau. Qui nous remontent le moral par ces temps maussades et surtout sur cette route où les chauffeurs sont pressés, roulent avec de gros pick up et ne prennent pas la peine de freiner ni de faire un gros écart lorsqu’ils nous doublent.
On décide alors d’investir dans un drapeau qu’on fixe à l’horizontal à l’arrière du charriot pour forcer les voitures à nous doubler à plus d’un mètre. Et ça marche !
Les ponts et les tunnels, assez nombreux sur la côte en raison des montagnes et des nombreuses embouchures de fleuve, sont les endroits les plus critiques à passer. On redouble de vigilance. Normalement, à chaque entrée, il y a un bouton où les cyclites doivent appuyer pour qu’un panneau lumineux s’allume et annonce la présence de vélo dans le tunnel ou sur le pont. Mais malgré la présence de nombreux panneaux rappelant qu’il y a des vélos avec lesquels il faut partager la route (“Please, share the road“), cela n’empêche pas certains de nous klaxonner dans les tunnels tout en nous doublant à trés vive allure, ce qui ne manque pas de nous causer de bonnes frayeurs.
On se demande comment nous allons faire une fois arrivés en Californie, plus peuplée que l’Oregon et alors même que nous n’avons plus le choix que d’avancer rapidement puisque nous devons être à San Francisco mi-décembre pour rejoindre notre famille et fêter ensemble Noël. Mais même sur la route, on croise des gens de toute amabilité. Une fois ce sont des jeunes en voiture qui restent derrière nous et bloquent le trafic le temps de traverser un pont. Une autre fois c’est un 40 tonnes… Sympa, mais un peu stressant quand même !
A notre entrée dans l’Etat de l’Oregon: le pont Astoria. C’est peut-être le plus à craindre pour les cyclistes. Il est très long, a une grande montée, il y a énormément de trafic et pas de bande d’arrêt d’urgence en cas de dépacement par un camion avec une voiture arrivant en face. Heureusement, juste avant, on croise Anne et Anne-Sophie, cyclovoyageuses françaises, les premières venant d’Alaska que nous rencontrons depuis très longtemps (tous les autres étant déjà bien plus au sud à cette époque). On traverse ensemble pour faire un groupe plus voyant. Et chance ultime, à partir du milieu du pont, il y a des travaux. La circulation est alternée et les travailleurs bloquent la route au trafic afin de nous laisser traverser “tranquilement”.