Tout au long de notre voyage en Alaska et au Canada, nous avons passé notre temps à prendre toutes les mesures possibles et imaginables pour éviter toute rencontre avec les ours et notamment les grizzlis. C’est toute une logistique de camper en terre des ours ou « bear country », comme disent les locaux.
« Bear safety business » – Le business de la sécurité face aux ours
Les ours fascinent en même temps qu’ils imposent le respect et la peur. Ceux qui voyagent en voiture ou dorment en camping car ne craignent pas trop. Ce sont les randonneurs à pied et les campeurs en tente qui sont concernés. Toute une économie du pays est tournée autour du « bear watching », l’observation des ours, mais également du « bear safety », sécurité face aux ours. C’est tout un business en termes d’équipements : boîtes et gaz au poivre anti-ours, sacs plastiques pour aliments et vêtements anti-odeurs, etc. se vendent chers et très bien.
En première immersion en terre d’ours, à vélo, en tente, avec des petits en bas âges et l’envie de faire un maximum de parcs naturels protégés, on peut difficilement faire l’impasse. A Fairbanks, notre ville de départ, le vendeur d’une boutique outdoor racontant son histoire d’attaque de grizzlis dans sa tente où son ami avait laissé une bouteille de Tequila, et qu’il a dû abattre avec son Magnum qu’il porte toujours sur lui (comme presque tous les habitant.e.s d’Alaska rencontré.e.s), a fini de nous convaincre !
« A feed bear is a dead bear » – “Un ours nourri est un ours mort”
Histoire vraie ou pas, on a donc investi dans une boîte résistante aux ours, devenue notre « candy box », boîte à sucreries, pour y mettre chocolat, barres de céréales, viande séchée, beurre, confiture, pâte à tartiner et tout ce qui nous paraît potentiellement très alléchant. Avec ça, on a aussi pris deux sacs en toile, matière gilet par balle, « bear proofed », c’est-à-dire testés avec des ours, où on met les pâtes, les céréales, le lait en poudre, les épices, les concentrés de tomate et le thon. Et on les suspend chaque soir en hauteur. La recommandation est au minimum à trois mètres du sol. Avec un troisième sac « normal » où on range les trousses de toilettes, les accessoires de change de Mika, la petite cuisinière, la nappe de pique nique, notre tupperware de fruits et légumes et le tabac de Daniel.
Le tout pour que les ours ne puissent pas les attraper afin qu’ils n’associent pas nourriture et humains et restent loin, désintéressés et méfiants. S’ils arrivent à manger notre nourriture, ils sont tués. « A feed bear is a dead bear » (un ours nourri est un ours mort) nous expliquaient les Rangers dans le parc national du Denali.
On a aussi des clochettes accrochées au vélo quand on roule et à la ceinture quand on est à pied. Et également deux sprays au poivre en cas d’attaque. On mange, brosse les dents loin de la tente et on suspend la nourriture dans une autre direction. Marla a bien imprimé toutes ces mesures. C’est elle qui nous demande maintenant :
« Où on cache la nourriture ce soir ? »
ou nous dit :
« il faut finir son assiette sinon l’ours va venir le manger ».
Cette histoire d’ours est donc aussi pas mal pour sensibiliser les enfants au gaspillage :). Chez nous, ça marche ! Déjà parce qu’on leur rappelle qu’on charge toute cette nourriture sur nos vélos, alors que c’est pour la manger et ensuite qu’on ne veut pas la partager avec les ours. Et c’est devenu normal pour Marla. Elle n’a pas peur et n’a jamais eu peur. Elle joue d’ailleurs à suspendre son sac à dos où elle range ses livres et ses crayons de couleurs pour ne pas que les ours viennent les prendre.
On scanne aussi le terrain sur lequel on veut poser la tente, à la recherche de traces d’ours (empreintes, excréments, etc.). Sur la Klondike Highway dans le Yukon, au Canada notamment, il y en avait beaucoup. Et pourtant, en chemin, on n’a croisé « que » quatre grizzlis et deux ours noirs, et toujours de loin. Et c’est exactement ce qu’on voulait. Toujours sur nos gardes. En vélo, les sensations ne sont pas les mêmes qu’en voiture. On a dû attendre une fois que maman grizzli et ses oursons nous laissent la voie libre pour avancer et une autre fois, c’est un ours noir qu’on a vu traverser derrière nous, juste après notre passage.
La plupart de nos camarades cyclistes ont aussi fait des rencontres de loin et sans incident. Ce sont ceux qui avancent le plus vite et font le plus d’heures de vélo par jour qui en voient le plus, la plupart des rencontres se faisant au bord de la route lorsque les ours traversent ou mangent les baies des fossés, le matin. Nous, on roule à l’heure de la sieste des enfants et des ours. Ce sont ceux qui ont traversé l’État de Colombie Britannique, à l’Est du Canada, au Sud du Yukon qui nous ont raconté en avoir croisé le plus, soit une cinquantaine en une semaine et être passés par des endroits où sur 100 km, il y a interdiction formelle de camper.
Mais certains, qui n’avaient pas prévu de mesures spéciales au début de leur voyage, ont eut une mauvaise expérience et ont investi par la suite en boîte anti-ours, refusant après coup de transporter des aliments à l’odeur trop forte, comme le poisson. Ce sont nos amis du Mexique et d’Allemagne qui ont reçu la visite de deux ours noirs près de leur tente au moment de se mettre à dormir. Ils ont fait du bruit pour les faire partir. Puis ils ont rejoins la route pour arrêter une voiture, mais le temps de revenir pour déplacer la tente et leurs affaires, les ours étaient retournés sur place, avaient déchiré leurs sacoches à vélo suspendues aux arbres et commencé le festin.
« Bears are out this year » – Les ours sont de sortis cette année
Car cette année, les ours étaient de sortie, selon les habitants « bears are out this year ». Nombreux sont ceux qui nous ont dit de faire attention et s’inquiétaient car nous n’étions pas armés ! Dans le Yukon, Geneviève notre hôte warmshower nous expliquait que les Rangers avaient déjà dû abattre 50 ours cette année, ce qui est plus que la normale, du fait que beaucoup se sont rapprochés des villes pour faire les poubelles de gens pas très soucieux de s’équiper en containers résistantes aux ours. Triste nouvelle quand on sait qu’il y a des mesures simples à prendre pour assurer sa sécurité et celle des ours.
On est donc tous fascinés par les ours. On les craind le soir pour mettre la tente, mais on est subjugué quand on les rencontre. Et le jour où on sort exprès pour les rencontrer, dans un endroit qui nous permet de les approcher en toute sécurité, c’est une très belle surprise de pouvoir les observer d’aussi prés.
Waaa, on en frissonne!
Avec mon frère on avait eu la porte de la voiture pliée en deux car on avait oublié un sac avec des bananes qui avait glissé sous un siège sans qu’on le voit… Retour après 3 jours de rando dans le parc: quelques traces de griffes d’ours sur la voiture, une porte pliée en deux et un belle amende sur le pars-brise, ce qui est bien normal…
Mais au Canada ça a l’air encore plus sérieux qu’en Californie où ce ne sont “que” des ours bruns, non?