Notre notoriété sur les réseaux sociaux mexicains, nous amène à être contactés par l’organisation “Enlace Bikers México” fondée il y a quelques mois et qui regroupe divers groupes de cyclistes qui proposent notamment d’accompagner les cyclovoyageurs qui traversent le Mexique. Il y a plusieurs relais à travers tout le pays. Nous les rencontrons dans l’Etat de Veracruz. Et notre traversée relèvera parfois d’un vrai Tour de France. Une fois de plus nous serons comblés par la solidarité et la générosité de nos camarades passionnés de vélo.
Nous avions déjà eu une fois l’occasion de rouler quelques 60 km accompagnés. Ce fut avec Sonia et Marc, un couple de catalans, lorsque nous traversions la Basse-Californie. Mais cela n’a rien à voir avec le fait de rouler en peloton. Nous rencontrons les premiers groupes de cyclistes en arrivant à Alamo. Ce sont Fercho de “Sobre Ruedas” et Pastrana de “Predador”. Ils nous escortent en moto jusqu’au restaurant de “tortas” (sandwichs chauds mexicains) de Fercho. Nous passerons la nuit dans la maison de sa famille juste à côté. Cela nous change déjà de notre rythme familial. On nous sort, on discute et on boit quelques bières fraîches jusque très tard. Il fait toujours extrêmement chaud et le sommeil a du mal à venir. Le lendemain nous prenons la direction de Poza Rica accompagnés d’une dizaine de cyclistes.
Notre traversée de l’Etat de Veracruz prend alors des allures de Tour de France. Nous faisons la connaissance de chaque groupe des différentes villes traversées. On ne se doutait pas d’un tel engouement pour le vélo. Il y a pléthore de groupes. Nous restons dans le réseau des MTB (Mountain Bike). Ils se connaissent presque tous et sont à chaque fois ravis de se retrouver pour participer aux courses et autres évènements des uns et des autres. Certains sont donc venus nous rejoindre en divers points de notre route pour rouler avec nous, nous ouvrir la route, parfois même suivi d’une voiture balai.
Pour notre entrée à Poza Rica par exemple, le groupe local, les “Tekno Bikers” ont même fait appel à la police routière qui, gyrophares et sirènes hurlantes, nous a ouvert le chemin à travers la circulation de la ville et fait griller tous les feux rouge croisés. Pas très discret comme entrée mais ultra sécurisée !
Bref, on a testé l’esprit d’équipe et d’entraide des groupes de cyclistes mexicains et on kiffe. Ce fut aussi un challenge. Etant la seule femme (avec Marlou bien sûr, qui a aussi fait ses 25 km entourée de 10 cyclistes), je ne voulais pas qu’on m’attende et ralentir le groupe. Car en effet, même si nous avons rencontré beaucoup de femmes cyclistes, qui participent notamment aux courses, ceux qui sont venus nous accompagner pour rouler ont tous été, exception faite de Carmen, des gars, dont pas mal d’ados et de jeunes, super entraînés et super motivés pour se dépenser un maximum. Ce sont des amoureux du Mountain bike et ils roulent sans sacs ! Alors forcément, avec nous, le rythme est plus lent. Mais ils se sont adaptés et ont pris très au sérieux leur rôle d’accompagnateurs. On a même eu droit à quelques poussées dans le dos dans les grosses montées. Au final, on a tous sué, car même pour eux, la chaleur est difficilement supportable, mais on était tous bien contents de se rencontrer, de s’épauler et de partager le même plaisir de rouler. A l’image des mexicain.e.s en général d’ailleurs, on s’est souvent retrouvé bluffé par leur sens de l’hospitalité.
Pour atteindre le Golf du Mexique, nous sommes de nouveau seuls. Nous décidons d’une petite pause d’un jour sur la Côte d’émeraude, contents de pouvoir se rafraîchir dans la mer car il fait très très chaud et encore plus lorsque l’on est sur le bitume.
Adrían vient nous chercher en camion à Palma Sola pour avancer de 15 km. C’est la deuxième fois seulement que nous coupons la route par un moyen de transport autre que le bateau depuis notre départ en Alaska, il y a un an et quatre mois. Nous pédalons 30 km avec les jeunes de son groupe avant d’arriver à Zempoala pour visiter les ruines Totonacas, se baigner dans la rivière puis camper dans le patio des parents d’Adrian. Le lendemain, il nous accompagne seul jusqu’à La Antigua où nous attendent Carmen et Nacho. Ensemble nous entrons dans la ville de Veracruz où nous campons dans le jardin de Joaquín.
Daniel étudie la route très précisemment et nous prenons la décision de sortir à nouveau des grands axes, au bord desquels se trouvent aussi les groupes de cyclistes d’Enlace Bikers, pour s’éloigner du trafic routier. En effet, le long de la côte du Veracruz, il y a énormément de passage, de nombreux bus de tourisme, des poids lourds, mais également des guatémaltèques qui font les aller-retour à la frontière des Etats-Unis en tractant les véhicules de seconde main nord-américains jusqu’au Guatemala pour les revendre. Nous découvrons qu’il s’agit d’un vrai business. Chaque jour, on en voit passer des dizaines.
Nous ne sommes pas mécontents de rouler à nouveau seuls pour retrouver un rythme qui suit complètement celui des enfants. En groupe, on a eu tendance à pousser le nombre de kilomètres et surtout, personne n’était habitué à rouler avec des enfants. Nos ami.e.s qui ont accompagné des cyclovayageurs précédemment partaient tous tôt le matin pour rouler un maximum de kilomètres d’une traite, sans pause déjeuner. Nous, si on s’arrête et que les enfants sortent du chariot, la pause doit comprendre un repas et durer au minimum deux heures pour que les petits se dégourdissent les jambes. Par contre, s’ils dorment nous devons continuer de rouler sans s’arrêter afin de ne pas les réveiller et avancer un maximum durant leur sommeil. Avec la chaleur, nous ne pouvons pas non plus nous arrêter sur le bitume car la température ressentie monte d’un coup. En roulant, les enfants ont de l’air et nous aussi. Bref, notre rythme est complètement atypique. Ce sont les enfants qui donnent le tempo. Seuls, il est plus facile de se caler sur eux que lorsque nous sommes en groupe.
Aussi, nous sommes les seuls parents à vélo et nous n’arrivons plus trop à suivre le rythme de pédaler la journée puis boire et discuter le soir jusque tard avec nos camarades cyclistes avant de reprendre la route aux aurores tout en s’occupant des enfants. Malgré tout, je suis toujours nostalgique de laisser nos ami.e.s. Mais la route trouvée par Daniel est magnifique bien que difficile par endroits avec quelques montées ardues. On suit comme on les aime, les petits chemins de campagne en bord de mer, ce qui nous amène à devoir traverser quelques estuaires en barque.
La traversée de l’Etat de Veracruz restera gravée dans nos mémoires comme le lieu où nous avons été pris dans un vrai mouvement collectif de solidarité par les membres d'”Enlace Bikers México“. Ils nous ont particulièrement choyés et encouragés. Tous passionnés de MTB et tellement contents d’avoir pris part à un petit bout de notre aventure. Ils auront aussi beaucoup impressionné Marla et Mika, notamment lorsque l’un d’eux a voulu changer de vélo avec Daniel pour expérimenter une sacrée montée avec les enfants dans le chariot, ou bien lorsque les jeunes ralentissent leur rythme pour rester à notre niveau mais ont les jambes qui les démengent tellement qu’ils font des “wheelings” (lever de roue avant) tout en nous suivant à côté. La grande question de Marla à cette époque fut donc : “A quel âge, je pourrais aussi faire du “une roue” ?”.
Nous aurons aussi droit à deux articles de presse. Le premier, c’est un serveur qui, reconnaissant Daniel, lui offre la coupure de journal. Il s’agit du quotidien local “La Opinión de Poza Rica” d’après notre interview en bord de route lorsque nous roulions avec les “Tekno Bikers”. Le deuxième est paru dans le “Diario del Istmo” de Coatzacoalcos lorsque les “Fuxion” nous accompagnaient sur le Malecón de Coatza.