Après le départ de Opa et Oma qui nous ont permis d’avancer rapidement et légers comme jamais, les choses sérieuses commencent. Bien sûr, on a profité des grands-parents pour nous alléger au maximum en leur confiant nos affaires d’été, notre moustiquaire, les gobelets en plastiques des enfants. Tout ce qu’on a pu.
Les dénivelés sont impressionnants mais il y a de petits villages jusque très haut et dans les endroits les plus reculés. Ce qui veut dire qu’on peut se ravitailler en pain, pâtes, fruits et légumes assez régulièrement et que nous ne transportons que 2 à 3 jours d’autonomie alimentaire. Cela m’avantage particulièrement puisque je suis celle qui transporte la nourriture. En plus de cela, Daniel m’a pris le sac d’eau de 10 litres et je récupère la nappe de pique-nique. Daniel chargé comme un bourriquet, nous avons le même rythme et je ne cesse de me demander comment il fait …
Nous sommes heureux de retrouver les joies du camping sauvage, on monte et on descend sans cesse avec des dénivelés nouveaux pour nous, mais on s’émerveille du paysage.
Et c’est la première fois depuis l’Alaska que nous nous retrouvons scotchés et autant impressionnés par les paysages. Je n’avais jamais ressenti cette sensation de vertige comme au Pérou. On éprouve beaucoup de respect pour la montagne. On se demande encore comment les hommes s’attaquent sans peur à des versants aussi hauts et abruptes pour construire des routes ou des mines. On se sent vraiment tout petit.
Mais la différence avec les paysages grandioses de l’Alaska, hormis le climat aride et très sec, c’est la quasi absence d’animaux sauvages. Au sortir de la forêt tropicale, des côtes pacifiques nord-américaines, cela nous choque. Quelques oiseaux et deux scorpions, dont un caché dans notre tente. Sinon rien. Et ce n’est pas faute de chercher et d’observer.
Par contre, il y a un nombre incalculable d’animaux domestiques, en ordre d’importance par le nombre : chiens, vaches, moutons, cochons, chèvres, chevaux, poules, ânes, dindons, canards, oies et les typiques cochons d’inde qu’on ne voit pas mais qu’on entend couiner dans leurs cages.
Avec les animaux domestiques vient aussi l’agriculture. On ne traverse pas d’énormes champs de monocultures mais plein de petites fermes avec des cultures de pomme de terre, de maïs, de quinoa. Nous ne traversons pas de zone sauvage, tout est cultivé même loin de tout et le long de route de terre et cailloux. Il n’y a presque plus d’arbres à part les plantations d’eucalyptus dont le bois est coupé tous les 4 ans pour fournir la côte Pacifique.
On se surprend à être systématiquement interpellé avec des “gringos” partout où nous passons. Les paysans péruviens sont moins démonstratifs que ceux du nord de l’Amérique latine mais toujours aussi accueillants et prêts à nous aider quand nous en avons besoin. Et la rencontre avec les enfants est souvent magique.
On croise aussi un nombre important de mines et notamment de charbon. Certaines sont en fonctionnement, d’autres laissées à l’abandon et beaucoup sont artisanales, c’est-à-dire de petite envergure. On voit des chercheurs d’or remuant le sable et les graviers dans le lit des fleuves.
On rencontre Lucy et son chien Wombat qui marchent depuis 2 ans. Ils sont partis d’Ushuaïa, ont traversé le désert d’Atacama et remontent lentement en suivant les chemins Incas vers le nord. Lucy souhaite en effet devenir la première femme à traverser les Amériques en marchant de la Terre de feu jusqu’en Alaska.
Le Pérou et les Andes sont réputés des cyclovoyageurs. Nous croisons deux belges d’une cinquantaine d’années et un jeune couple d’allemands. Il y a aussi pas mal de motards.
Amoureux du Mexique et de l’Amérique central, nous nous y sommes sentis comme des poissons dans l’eau. La chaleur et l’accueil des Colombiens et des Equatoriens nous ont aussi fait sentir très à l’aise, mais le Pérou reste pour nous une énigme. C’est la première fois où nous nous sentons vraiment étrangers. Non pas que nous soyons mal reçus. Au contraire, dans les campagnes notamment, on nous a toujours accueillis lorsque nous demandions un endroit où poser notre tente.
Mais le contact est plus difficile et surtout, le trafic est complètement fou. Les chauffeurs ne respectent absolument rien. Ils klaxonnent au lieu de freiner ou même simplement lever le pied de l’accélérateur, pour dire “pousse-toi, j’arrive !”. C’est la première fois qu’on se sent aussi peu en sécurité sur les routes. On a donc à coeur de rester le plus loin possible des grands axes et des routes goudronnées. On récolte ainsi des paysages magnifiques, avec le pendant d’une difficulté augmentée.
On a aussi la sensation que la nature est surexploitée dans un univers très aride. C’est très déconcertant, on ne voit pas comment cela peut être durable. En outre, on a l’impression qu’il y a peu de résistance. En tout cas, sur notre route, nous avons vu beaucoup de mines, barrages hydro-électriques et carrières qui assèchent et contaminent les rivières dont les populations dépendent pour boire et irriguer leur champ, mais aucun signe d’opposition, pas même un graffiti. Mais le pays est immense et nous n’en avons vu qu’une infime partie.
Effectivement, avant, ce n’était pas le Pérou…