Après d’interminables montées et descentes de montagnes aux innombrables lacets, nous remontons peu à peu le río Santa, passons le canyon del pato où les cordillères noires et blanches se touchent presque, laissant un tout petit passage de quelques mètres à peine pour arriver à Caraz.
Nous trouvons un super camping avec jeux pour enfants, chevaux, lapins, champs de fraises et champs d’oeillets à côté. Il y a quelques voyageurs en van dont des familles. Les enfants sont occupés à jouer toute la journée avec leurs nouvelles copines. Oui, à part Mika, il n’y a que des filles.
Daniel prépare son expédition autour du Huascaran, la montagne la plus haute du Pérou avec ses deux sommets qui montent à plus de 6 650 mètres. C’est un “loop” très connu et prisé des cyclovoyageurs. Les vues sont majestueuses et il se dit que c’est l’une des plus belle route (au niveau paysage, pas du revêtement) de tout le continent.
Oui, mais voilà, la majeur partie de la route n’est pas goudronnée. Il y a plusieurs cols à passer dont deux à plus de 4 700 mètres d’altitude et un au-dessus de 4 800 mètres. J’adore la montagne, la neige et les glaciers, mais je sais maintenant que je suis limitée physiquement et que ce n’est pas du luxe que de me ménager un peu. J’ai déjà fourni énormément d’efforts jusqu’ici, j’ai vraiment besoin de me reposer.
Avec Mika, nous nous contentons donc de rêver au Huascaran depuis la vallée où nous l’apercevons. Marla veut toucher la neige, alors elle part avec son père pour 9 jours d’aventures (lire l’article de Daniel, La vuelta al Huascaran).
Avant de partir je confie à Marla le soin de me dessiner chaque jour les paysages qu’elle rencontre.
Je profite de ces 9 jours de farniente bien mérité pour mettre par écrit mes réflexions d’une cyclovoyageuse et surtout m’économiser pour notre traversée de la Cordillère blanche via la route qui mène au glacier Pastoruri et son col à 4 869 mètres d’altitude.
On dit au revoir à Daniel et Marla avec beaucoup de nostalgie. C’est la première fois que nous nous séparons depuis le début de notre voyage. J’ai aussi un peu peur pour Marla et l’altitude. Pour l’instant nous n’avons pas été plus haut “que” 3 700 mètres et les familles en mobile home nous comptent des histoires de mal des montagnes et d’enfants vomissant.
Mais à part Daniel qui tombe malade au début de leur tour, ils reviennent sains et saufs, heureux de leur expédition au coeur des montagnes enneigées.
Nous nous retrouvons à Yungay, une ville qui a été entièrement détruite et où 22 000 personnes sont mortes suite au tremblement de terre de 1970 qui a fait dévalé des pentes du Huascaran un mélange de boue, de glace et de roches, et recouvert de cette lave torrentielle toute la ville. Seules les personnes qui étaient au cimetière à ce moment ont survécu car il était surélevé. Aujourd’hui la ville a été reconstruite en hauteur.
Une histoire tragique qui augmente mon respect pour ces hauts sommets. Nous roulons ensuite jusqu’à Huaraz où nous rencontrons un couple de cyclovoyageurs slovaques vegans qui sont partis au même moment que nous, du Canada, avec leurs deux chiens dans un chariot (Step out and explore). Après quelques jours de repos, nous quittons enfin la route goudronnée où le trafic est complètement fou, pour monter vers le glacier Pastoruri.
Nous suivons donc, comme le panneau l’indique, la route du changement climatique. En effet, le Pérou, avec ses chaînes de montagnes enneigées et ses glaciers sous les tropiques, est l’un des premiers pays touchés durement par le réchauffement climatique. Et lorsque l’on roule à travers l’aridité des Andes péruviennes, on n’a aucun mal à comprendre la catastrophe annoncée du dégèle de ses glaciers et de la perte de ces châteaux d’eau naturels.
La cordillère blanche est un trésor de biodiversité en danger imminent. À Juneau en Alaska, nous avions vu le glacier Mendenhall auquel on donnait 20 ans avant sa fonte totale. Ici, on parle de 5 ans de vie maximum au glacier Pastoruri. Certains disent d’ailleurs qu’on ne peut plus le qualifier de glacier car il ne “vit” plus au rythme des saisons, rétrécissant en été pour grossir en hiver. Il ne fait plus que fondre…
La montée se fait en douceur en suivant le cour d’un ruisseau. Je préfère largement cela aux interminables routes en lacets à flanc de montagnes qui impressionnent tant et donnent presque le sentiment de vertige.
Markus, un cyclovoyageur suisse nous rejoint bien vite. On discute. On se donne un lieu de rendez-vous pour poser la tente ensemble puis il avance avant de rebrousser chemin pour nous prêter main forte dans une montée pas mal inclinée. Sympa.
C’est à partir du lendemain, que les choses se compliquent. On traverse une belle “pampa”, remplie des fameuses Puyas Raimondi, ces plantes des Andes qui ne fleurissent qu’une fois et vivent une centaine d’années.
Juste après notre rencontre avec un couple de catalans en voiture, la montée devient plus raide et je commence à sentir grave les effets de l’altitude. Nous avions prévu de rejoindre Markus pour un nouveau bivouac commun à l’entrée du glacier Pastoruri, mais je n’arrive plus à avancer.
Juste après le glacier, nous passons le premier col à plus de 4 800 mètres d’altitude. Le soleil commence à décliner et le froid à se faire sentir, mais on tente de descendre au max pour ne pas dormir trop haut.
Nous retrouvons ensuite le goudron et faisons nos au revoir à la majestueuse cordillère blanche que nous quittons à mesure que nous redescendons dans la vallée.
Et avec le goudron, nous retrouvons les hommes, les exploitations minières, les barrages hydroélectriques et la parenthèse enchantée se referme.